Le penseur hongrois a rédigé il y a un peu plus d’un siècle un texte, « Histoire et conscience de classe », qu’il a par la suite renié. Son contenu est pourtant toujours d’une actualité brûlante.
Mais le prolétariat est lui aussi soumis aux effets de la réification, notamment et surtout dans le processus de travail. C’est pourquoi, comme le dit Lukács, sa lutte « n’est pas seulement une lutte contre l’ennemi extérieur, la bourgeoisie, mais, en même temps, une lutte du prolétariat contre lui-même : contre les effets dévastateurs et dégradants du système capitaliste sur sa conscience de classe ». Le travail du prolétariat consiste alors à s’émanciper par la pratique, c’est-à-dire par la remise en cause permanente du réel réifié. D’objet, cette classe est capable de redevenir un sujet par la lutte, et c’est en redevenant sujet qu’elle peut changer la totalité.
Ici, Lukács mobilise le concept de « fétichisme de la marchandise » établi par Marx au début du Livre I du Capital. Ce concept est la conséquence de la séparation nécessaire à la production marchande entre le producteur et son produit, entre le travail abstrait et le travail concret. L’apport de Lukács est de systématiser ce fétichisme en « réification », c’est-à-dire en la transformation de l’ensemble des rapports humains en rapports entre objets.
Pour lui, ce sont les mouvements de masse de 1871, 1905 et 1917 qui ont ouvert la voie au socialisme démocratique, parce qu’ils représentaient, comme il le défendait implicitement dans Histoire et conscience de classe, la pratique révolutionnaire des travailleurs.
C’est la leçon fondamentale de Lukács, celle de ne jamais perdre de vue que les luttes ne doivent jamais s’arrêter, comme le dit Marx, aux seuls effets, mais venir contester les « causes des effets ».